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« Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse…C’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de faiblesse. Monsieur l’Archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence ; je crois m’y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s’est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon âme. Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais, mais alors il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque… »

(Lettre prémonitoire du Roi Louis XVI à l’archevêque de Chartres)

Chose étrange et assez surprenante, notre « Ripoux-blique » maçonnique, nourrie aux idéaux des Lumières et qui a fait de la Révolution son marqueur idéologique, ne fête jamais la nuit du 4 août 1789. On peut se demander pourquoi ? Est-ce par peur de donner de mauvaises idées au peuple ?

Certes, quand on voit l’arrogance, le mépris, le train de vie, les privilèges et les passe-droits de nos petits marquis de la politique, il leur serait malvenu, incongru voire indécent d’oser critiquer l’Ancien Régime, du moins en matière de privilèges. En ce temps là, les petits hobereaux de province, souvent pauvres comme Job, respectaient  le peuple. De nos jours, Macron voit, dans les gares, « des gens qui ne sont rien », un de ses baronnets critique « ceux qui clopent et qui roulent au diésel », durant la pandémie de Covid 19, une de ses groupies nous déclarait que, si nous avions de masques, nous ne saurions pas comment les mettre ; une autre disait que les retraités, qui sont « en fin de vie » ne devraient pas se mêler de politique. Je pourrais multiplier les exemples qui démontrent le mépris d’une coterie dirigeante à l’égard du Vulgum Pecus, ces « Gaulois réfractaires » que Macron déteste.

Et pourtant, l’aristo fauché, un brin « fin de race », que je suis serait favorable à une nouvelle nuit du 4 août pour abolir les privilèges exorbitants de ceux qui gravitent autour du  pouvoir.

Je donnerai quelques exemples, quelques pistes, à la fin de cet article de ce qui pourrait être un programme politique mais rappelons d’abord ce qu’a été cette fameuse « Nuit de 4 août 1789 ».

Il s’agit d’une séance nocturne de l’Assemblée Constituante au cours de laquelle fut votée la suppression des privilèges féodaux. Débutée à sept heures du soir, elle allait se prolonger jusqu’à deux heures du matin. l’Assemblée Constituante mettait à terre le système féodal. C’était l’abolition pure et simple de tous les droits féodaux ainsi que de tous les privilèges des classes, des provinces, des villes, des corporations, à l’initiative du « Club breton » qui allait devenir le  « Club des Jacobins ».

En fait, cette brusque décision d’abolir les privilèges découle d’un mélange de peur et de démagogie de la part des « élites » de l’époque : l’Assemblée Constituante est en train d’élaborer la future Constitution (ainsi que la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ») lorsqu’elle reçoit des récits alarmistes sur les mouvements populaires qui sévissent un peu partout dans le pays.

L’Assemblée Constituante, prise de panique, envisage alors deux hypothèses : soit réaffirmer les valeurs de la propriété, et donc contrôler la révolte : solution rejetée, car on a peur de la colère paysanne. Soit instaurer des « bureaux de secours », qui permettraient d’aider les plus pauvres. Mais cette suggestion idiote ne répond en rien à l’urgence de la situation. C’est donc pour sortir de ce blocage que naît, nous dit-on, l’idée de l’abolition des droits seigneuriaux. En réalité, cette idée fumeuse a germé au sein du « Club Breton ». Ce projet émane de quelques aristocrates ouverts aux idéaux des Lumières (et, pour la plupart, francs-maçons) : le duc d’Aiguillon lance l’idée, aussitôt reprise par de vicomte de Noailles ; le débat s’ouvre dans une cacophonie générale.

Dans une ambiance de quasi panique, Guy de Kerangal, le vicomte de BeauharnaisLubersacl’évêque de La Fare vont surenchérir en supprimant, pêle-mêle, les banalités, les pensions sans titre, les juridictions seigneuriales, le droit de chasse, les privilèges ecclésiastiques, etc…

Le marquis de Foucault demande que « le premier des sacrifices soit celui que feront les grands, et cette portion de la noblesse, très opulente, qui vit sous les yeux du prince, et sur laquelle il verse sans mesure et accumule des dons, des largesses, des traitements excessifs, fournis et pris sur la pure substance des campagnes ». Si elle est sincère – mais j’en doute ! – l’envolée est belle !

Le vicomte de Beauharnais propose « l’égalité des peines sur toutes les classes des citoyens, et leur admissibilité dans tous les emplois ecclésiastiques, civils et militaires ». Cottin demande l’extinction de « tous les débris du régime féodal qui écrase l’agriculture ».

L’Assemblée est en proie à une cacophonie démagogique ; chacun y va de sa proposition.

Michelet écrira un siècle plus tard, dans un style emphatique (1):

« Après les privilèges des classes, vinrent ceux des provinces. Celles qu’on appelait Pays d’État, qui avaient des privilèges à elles, des avantages divers pour les libertés, pour l’impôt, rougirent de leur égoïsme, elles voulurent être France, quoi qu’il pût en coûter à leur intérêt personnel… Le Dauphiné, dès 1788, l’avait offert magnanimement pour lui-même et conseillé aux autres provinces. Il renouvela cette offre. Les plus obstinés, les Bretons, liés par les anciens traités de leur province avec la France, n’en manifestèrent pas moins le désir de se réunir. La Provence en dit autant, puis la Bourgogne et la Bresse, la Normandie, le Poitou, l’Auvergne, l’Artois. La Lorraine, dit… qu’elle avait le bonheur de se réunir à ses frères, d’entrer avec eux dans cette maison maternelle de la France, dans cette immense et glorieuse famille ! Puis ce fut le tour des villes… »

Enfin, Lally-Tollendal termine la séance en apothéose en proclamant Louis XVI « Restaurateur de la Liberté française » (2). En une nuit, les fondements d’un système vieux de plusieurs siècles s’effondrent. Louis XVI n’accorde son aval à ces décrets que contraint et forcé, le 5 octobre.

Ainsi disparaissent les privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des corporations, des villes et des provinces. Toutefois, les droits féodaux sont déclarés rachetables le 15 mars 1790, et leurs détenteurs ne sont pas tenus d’en prouver l’origine. Mais, devant le refus de quelques communautés paysannes, l’Assemblée supprime le rachat  des droits le 25 août suivant. Enfin, le 17 juillet 1793, la Convention vote leur abolition complète, sans indemnité, et l’autodafé  des titres féodaux.

Sont donc abolis par ces diverses lois: la main-morte réelle et personnelle (article 1er), la servitude personnelle (article 1er), l’exclusivité seigneuriale sur les colombiers (article 2), la chasse (article 3), l’exclusivité sur l’accès à certaines professions (article 11), les justices seigneuriales (article 4), les dîmes (article 5), la vénalité des offices (article 7), les privilèges particuliers de provinces (article 10) ainsi que la pluralité des bénéfices (article 14)…

Le Roi Louis XVI est proclamé « Restaurateur de la liberté française » par l’article 17. L’année suivante, à la « Fête de la Fédération », il donnera le premier coup de pioche pour planter « l’arbre de la Liberté » et acceptera de coiffer le bonnet phrygien. Puis, le 21 janvier 1793, sa tête finira dans le panier du « rasoir national », toujours au nom de la Liberté bien sûr !

L’abolition des privilèges était-elle une nécessité inéluctable?

Si l’on tient compte du pourrissement – moral et mental – d’une noblesse de Cour, nourrie et enrichie sur le dos d’une paysannerie qui, elle, crevait de faim, cela ne fait aucun doute. D’autant que cette noblesse, qui n’en avait plus que les titres et privilèges, se plaisait à critiquer le Roi et l’Eglise dans les salons de quelques cocottes (3) ou dans les loges maçonniques qui fleurissaient partout.

On avait oublié que les privilèges et droits féodaux imposaient, en contrepartie, des devoirs sacrés : le chevalier était, si besoin, homme de guerre. Il mettait son épée au service de son Roi (4), protégeait ses vassaux et défendait « la veuve et l’orphelin ».  Il était prêt à verser l’impôt du sang.

Le clergé soignait les malades et les indigents, hébergeait les pèlerins, aidait les pauvres et les nécessiteux, créait des écoles. Saint Vincent-de-Paul est le précurseur de la Sécurité Sociale (5) et non de l’abbé Pierre, car ce curaillon miteux avait une charité chrétienne à  géométrie variable (6).

Claude-Henry de Saint-Simon (1760-1825), que d’aucuns présentent comme un réformateur social, considérait, dans les années 1820-1825, que la Révolution n’était pas achevée. Chaud partisan de « l’industrialisme », il proposait une réorganisation totale de la société, hiérarchisée entre les scientifiques et industriels d’une part et la classe ouvrière d’autre part. Il a été à l’origine du saint-simonisme et de la mise en œuvre de la révolution industrielle au XIXe siècle.

Les dynasties bourgeoises – banquiers, armateurs, maîtres de forges – ont supplanté les aristocrates. On a remplacé Dieu par le fric-roi et on a envoyé dans les mines des enfants de 10 ans (auxquels on accordait généreusement une journée de repos pas semaine et des journées limitées à 12 heures de travail).      

Au début des années 60, la loi scélérate dite « Pisani-Debatisse » (tous deux francs-maçons) supprimait l’un des derniers privilèges : celui des bouilleurs de cru. L’État jacobin ne supportait pas l’idée qu’un petit propriétaire puisse transmettre à son fils le droit de confectionner sa goutte, sa gnole, son marc, et de surcroît sans payer de taxes.

Alors oui, on peut s’interroger sur l’intérêt ou la nécessité d’abolir les privilèges.

Sous l’Ancien Régime, les impôts étaient nombreux et le vassal devait un tiers de ses gains – en temps ou en argent – au Royaume et/ou à son suzerain. De nos jours, « le Figaro »  nous apprend que, si l’on retire de ses revenus les impôts, taxes, et cotisations sociales diverses et variées, le Français travaille pour l’État jusqu’au… 25 juillet ! En clair, notre économie socialiste – car il s’agit bien de cela ! – lui prend les deux tiers de ce qu’il gagne. Et la France bat un record mondial d’hyper-fiscalité puisqu’on compte chez nous plus de 200 impôts et taxes. Notons, au passage, que les pays qui sont encore des monarchies – certes constitutionnelles –  s’en sortent plutôt mieux que nous.

Franchement, cela valait-il le coup de faire une révolution, de guillotiner le Roi, de massacrer la Vendée, de mettre l’Europe à feu et à sang ? Sincèrement, je pense que non mais ceci n’engage que moi !

En revanche, de nos jours, il serait souhaitable, utile et même nécessaire d’abolir certains privilèges. On pourrait, par exemple, supprimer le Conseil Economique, Social et Environnemental, qui ne sert à rien sinon à recaser des amis du pouvoir ; réduire le nombre des députés et sénateurs ; supprimer les avantages fiscaux des journalistes et leur sacro-sainte « clause de conscience » qui les autorise à bloquer la nomination d’un directeur ou la partition d’un journal. Qu’on les traite comme les gens du privé : s’ils ne sont pas contents de la ligne éditorial de leur journal, qu’ils s’en aillent (et sans cracher dans la soupe). Il faudrait aussi supprimer les subventions aux ONG et associations ouvertement antifrançaises ; arrêter les avances sur recettes d’un cinéma toujours engagé à gauche; abolir le Jus Solis, le regroupement familial ainsi que la double (ou triple) nationalité.
Il faudrait aussi remettre en cause l’irresponsabilité des magistrats et qu’ils rendent des comptes en cas de récidive d’un malfrat libéré trop rapidement. Il faudrait aussi remettre le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’État dans leur fonction initiale ; interdire au Défenseur des Droits de se mêler de politique, ce n’est pas son rôle, et supprimer le Commissariat au Plan qui rappelle l’ex-URSS et de sert strictement à rien, etc…

Il ne s’agit que de quelques pistes, la liste n’est pas limitative.

Et enfin, rétablir d’urgence le privilège des bouilleurs de cru car la gnole soigne à peu près tout, y compris la déprime causée par notre époque décadente. Il vaut peut-être mieux risquer la cirrhose que la sinistrose ? Notre pays, en pleine dégénérescence, a remplacé  « le Trône et l’Autel » par le trône des chiottes et l’hôtel de passe. Qu’on m’autorise à préférer l’Ancien Régime.

La «Ripoux-blique » a aboli les privilèges mais je m’en arroge un, UN SEUL, celui de ne pas rendre ma plume serve (7).

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1)- « Histoire de Révolution française », de Jules Michelet, Flammarion, 1897-1898.

2)- Et, le 21 janvier 1793, la France guillotinera le « Restaurateur de la Liberté française », sans doute pour le remercier d’avoir été si bon ?

3)- De nos jours, on dirait « poules de luxe ».

4)- Et au service de Dieu car le Roi était monarque « de droit divin ».

5)- Mais qui ne coûtait rien au contribuable.

6)- En 1954, le saint homme, avant de lancer son appel en faveur des sans-abris, avait refusé sa pitié aux combattants de Diên-Biên-Phu qui faisaient « une sale guerre colonialiste». C’est le même qui, plus tard, condamnera  les parachutistes  d’Algérie mais pas le FLN.

7)- « La plume est serve mais la parole est libre » dit-on en droit.

2 thoughts on “Abolissons leurs privilèges !”
  1. Il est évident que la révolution ” la république” n a rien changé , vous avez entièrement raison, ils s octroient toujours autant de privilèges et nous dénigrent de la même façon et ils bafouent les premières lignes de la constitution ” gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple”.

    1. Est-il besoin de le rappeler: La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
      Nous en sommes loin avec ce régime dictatorial !

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