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Au matin du 16 juillet 1942, le gouvernement de Vichy lançait la tristement célèbre rafle du « Vel d’Hiv ». A l’occasion de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux « Justes » de France, Laurent Joly, spécialiste de l’histoire de l’antisémitisme en France sous l’Occupation, retrace la préparation de cette sinistre opération.

 

Comme les négociations entre les Allemands et Vichy se sont-elles déroulées ?

Il faut d’abord revenir au contexte du moment. Au printemps 1942, pour différentes raisons, les nazis décident d’étendre la « solution finale » à l’Europe toute entière. Une nouvelle étape est donc franchie en juin 1942 lorsqu’ils réclament un total de 90 000 juifs en âge de travailler à la France, à la Belgique et aux Pays-Bas. Le gouvernement de Vichy doit ainsi en « livrer » 40 000. Fait inédit : les femmes sont aussi concernées. Par manque d’effectif mais aussi pour mieux faire accepter la manœuvre auprès de la population, les Allemands veulent confier cette tâche aux forces de l’ordre françaises. Une phase de négociation débute ensuite, où Vichy joue clairement la carte de la collaboration. Pierre Laval, le chef du gouvernement, souhaite en effet répondre aux exigences allemandes le plus vite possible. C’est chose faite dès le 2 juillet : René Bousquet, le chef de la police, trouve un accord avec l’occupant.

Que contient cet accord ?

Le représentant des Affaires juives de la Gestapo ne précise pas la nationalité des juifs qui doivent lui être remis. Vichy accepte de mener 40 000 arrestations mais demande, dans un premier temps, la possibilité de choisir les personnes à appréhender selon leur citoyenneté. La cible se porte sur les juifs étrangers, notamment les apatrides qui n’ont pas d’Etat pour les défendre. Réfugiés polonais, allemands, russes et tchèques se retrouvent ainsi en première ligne, jusqu’à l’âge de 60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes. Problème : ces immigrés, en situation légale, ont souvent des enfants qui, eux, sont généralement français.

Justement, comment les autorités françaises ont-elles géré la question des mineurs ?

Les Allemands ne les veulent pas tout de suite car les fours crématoires sont toujours en construction. Le gouvernement de Vichy va alors s’abriter derrière des considérations pseudo-humanitaires pour justifier sa décision de rafler également les plus petits. Son argument : il ne faut pas séparer les familles.  4 000 enfants vont ainsi se retrouver au Vélodrome d’Hiver, avant de prendre la route des camps du Loiret avec leurs parents. Ces derniers seront d’ailleurs déportés en premier, sans leurs enfants qui partiront seulement en août, dans des conditions absolument inhumaines et uniques pour l’Europe de l’Ouest.

Le gouvernement de Vichy a-t-il néanmoins tenté de protester ?

Il existe une grande divergence entre les deux partis. Les nazis savent parfaitement ce qu’ils font, contrairement au régime de Pétain qui ignore l’existence des chambres à gaz et du processus d’extermination. Le gouvernement français possède malgré tout des informations alarmantes sur le sort des juifs déportés à l’est de l’Europe. Ses dirigeants se doutent du sort funeste qui attend cette population, mais ils ne connaissent pas les détails logistiques de l’opération. Les responsables de la préfecture de police de Paris ont néanmoins réussi à négocier des petites exemptions, pour les femmes dont le mari est prisonnier de guerre ou pour celles ayant des enfants de moins de deux ans. Ces exceptions sont cependant vite balayées après la rafle du Vel d’Hiv, le résultat de cette dernière étant jugé décevant par les autorités allemandes. Il ne faut pas oublier que d’autres rafles ont lieu sur le territoire national, même en zone libre. Du 16 juillet 1942 au 11 novembre 1942, Vichy livre ainsi 36 000 juifs à Berlin. Les objectifs initiaux sont donc remplis.

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