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Le 7 mai quelques anciens se souviendront de leurs souffrances en commémorant cette bataille à laquelle ils ont participé et ils penseront à leurs camarades qui sont restés là bas, notamment l’Adjudant Guy Prigent dit « le mousse » du 6e BPC (bataillon de parachutistes coloniaux – Note ASAF) mort au combat sur Eliane IV. Pourquoi lui ? Pourquoi pas lui ? Peut-être parce qu’ayant été, bien plus tard, sous-officier dans ce régiment je connaissais son histoire. Mais tous ceux qui ont servi dans une unité parachutistes peuvent citer un ancien de leur unité pour personnaliser ce respect que l’on doit à ces combattants, y compris ceux qui n’étaient pas parachutistes car il ne faut jamais oublier tous ceux qui n’ont pas failli à l’honneur d’un soldat. Accompagnons nos anciens dans leurs pensées car ne pas oublier c’est leur rendre l’hommage qu’ils méritent.

Guy Prigent BP 2373 a fait partie des SAS (special air service) parachutés en Bretagne dans la nuit du 6 au 7 juin 1944. Il participera au combat en France et en Hollande. A 28 ans il est au 6e BPC et saute 2 fois sur Dien Bien Phu il trouve la mort le 10 avril 1954 au cours d’une contre attaque. Pierre Flamen son beau frère chef de section présent lui aussi à Dien Bien Phu, à quelques tranchées de là, se chargera de l’enterrer au pied d’Eliane IV. Les pilonnages de l’artillerie Vietminh vont, dans les jours qui suivent, retourner tout le terrain et son corps ne sera jamais retrouvé. L’Adjt Prigent était né à Hanoï parce que son père était officier dans l’artillerie coloniale en poste dans « la belle colonie », il est donc resté dans ce pays qui l’avait vu naître. L’Adjt Guy Prigent a été fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume, il était déjà titulaire de la médaille militaire, et totalisait 11 citations dont 3 palmes.

Bien des choses ont été dites sur cette bataille, notamment les poncifs devenus rengaines: Erreur d’avoir choisi une cuvette, « le général Navarre était nul », « héroïsme des combattants », « génie militaire des viets », etc. Avant toute chose il est capital de se souvenir que DBP a été une bataille d’artillerie et dès le 13 mars, début de la bataille, elle était perdue pour les Français. La bataille était perdue parce que leur canons étaient mieux placés que les nôtres, au détriment de la logique en vigueur dans nos écoles, et qu’ils avaient des obus en abondance, ce qui leur a permis d’écraser la garnison sous le feu et condamner la piste d’atterrissage. Cette bataille a été gagnée par l’artillerie et la logistique parce que même si les canons sont bien placés il faut avoir des obus à mettre dedans, et dans ce dernier cas l’action de la Chine a été déterminante. On a aujourd’hui la quasi certitude que sans l’aide chinoise et en dépit de nos erreurs la garnison aurait tenue, il faut se souvenir que au début du mois d’avril Giap envisageait le repli devant le refus de certaines unités de remonter à l’assaut tant elles avaient été décimées. Les prisonniers faits dans la deuxième quinzaine d’avril étaient souvent des jeunes conscrits sans expérience.

Profitons de la proximité de cette commémoration pour revenir sur certains poncifs et entre autres:

– Dien Bien Phu n’était pas une cuvette mais une plaine de 16 kms de long sur 9 de large. Les japonais avaient construit 2 pistes d’atterrissages, une au nord et une au sud. Le choix était le meilleur pour l’installation d’une base. Ce choix a été motivé en partie pour défendre le Laos avec lequel la France avait signé un accord d’assistance militaire le 22 octobre 1953 sans que le Gal Navarre en ait été informé.
– Le général Navarre était plutôt un officier de renseignement et d’EM, mais il n’était pas nul ni idiot. Il avait hérité d’une situation « pourrie » dont notre gouvernement était responsable, en sus mal entouré il n’a pas su écouter ceux qui connaissait le pays et ce type de guerre.
– Le général Giap n’était pas un génie, c’était simplement un militant communiste pur et dur, qui appliquait avec méthode la doctrine chinoise: Notamment commissaire politique derrière les vagues d’assaut, méthode du rouleau compresseur. Ces critères, à l’évidence, ne sont pas les marques du génie militaire. Giap était un militant qui, si il n’était pas un génie, était intelligent et il savait tirer parti de nos erreurs et corriger les siennes, la situation l’y obligeait. Enfin comme tout bon communiste il n’était pas comptable des vies humaines.

Malgré un évident manque de moyens, militairement nos erreurs étaient ailleurs, l’état-major a sous estimé l’adversaire et surestimé nos capacités. Trop de responsables négligents ou incompétents, nous avons négligé l’organisation du terrain: abris mal conçus, itinéraires non reconnus, erreurs dans les premières réactions de la garnison, etc…

Les viets n’avaient pas d’aviation, il leur fallait trouver des solutions originales ils les ont trouvés en partie chez nous:
– FOMEC (camouflage – note ASAF) qu’ils ont su élever au niveau d’un art, c’était remarquable.
– Observations minutieuses et continues, emploie de la caisse à sable à tous les échelons
– Utilisation des méthodes développées par Vauban (manuel d’attaque des places)
Et enfin l’atout maître qui a déterminé la victoire:
– Logistique animée par la Chine et conseillers chinois à tous les échelons, de général à conducteurs de camions molotova ou servants d’artillerie AA.

NB: Le général Giap a écrit en 1950: «La conception militaire du camarade Mao Zedong a servi de base à nos directives. Le concours des camarades chinois à nos côtés sur le plan matériel et moral nous a été d’une grande utilité» Cela a été écrit après la déroute de la RC4. Le général Giap savait qu’il aurait encore besoin des «camarades chinois» s’il voulait avoir des chances de gagner.

Dans Le Figaro du 8 mai 1954 qui relate la chute de Dien Bien Phu on pouvait lire: « Si quelqu’un veut savoir pourquoi nous sommes morts, Dites-leur : parce que nos pères ont menti » (Rudyard Kipling).
Cette phrase de Rudyard Kipling est citée par Pierre Brisson dans son éditorial au sujet de la chute du camp retranché. Cette phrase avait été écrite après la mort de John Kipling, son fils, en 1915 lors de la 1ère Guerre Mondiale sur le front de l’Artois. Quelques mots de cet éditorial rappellent qui peut être tenu pour responsable:
«…L’éloge reste au-delà des mots. Toute éloquence serait hors de mise. Ce que les sacrifiés exigent de nous ce soir c’est un examen de conscience »
«Les combattants de Dien-Bien-Phu sont morts parce que nous nous sommes menti à nous-mêmes…Ils sont morts parce que nous n’avons pas su faire cette guerre, parce que nous n’avons su ni la vouloir ni la refuser, parce que nous n’avons su ni mesurer l’épreuve, ni en prévoir les conséquences, ni la situer dès l’abord sur son plan mondial. Il y a eu au cours de ces neuf années des occasions perdues pour négocier, comme il y a eu des occasions perdues pour la victoire. Elles l’ont été de la même façon. Elles l’ont été par faiblesse…».
«Cédant au chantage communiste, nous avons engagé cette guerre…les moyens nécessaires pour vaincre dépassaient nos forces et là encore, évitant de l’admettre, nous nous sommes dupés nous- mêmes…Aucune palinodie plus sinistre que les larmes versées par le P.C. sur le sang répandu par les armes que le communisme a mises dans la main de nos ennemis… » Quelques jours plus tard un jeune officier qui a pu être évacué de Dien Bien Phu et amputé d’une jambe accuse, lui aussi, le gouvernement et les généraux d’avoir menti aux combattants. Alors que restait-il ? L’honneur des armes …certainement, et comme l’a confirmé un combattant revenu de cet enfer «La mort n’est pas un problème, seul le déshonneur en est un», phrase à méditer en ces temps difficiles… où l’on constate, sans grande surprise, que l’honneur des hommes politiques est sujet à caution et que la Chine nous pose encore une fois des problèmes…curieux non ?

Marc ISABELLE

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